Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’en veux bien faire encor ta compagne éternelle ;
Mais sache que je la rappelle, 85
Si tu manques d’en bien user.

(Avant que de disparoître, ce dieu, en colère contre la France, lui fait voir la Paix, qu’elle demande avec tant d’ardeur, prisonnière dans son palais, entre les mains de la Discorde et de l’Envie, qu’il lui a données pour gardes. Ce palais a pour colonnes[1] des canons, qui ont pour bases des mortiers, et des boulets pour chapiteaux ; le tout accompagné, pour ornements, de trompettes, de tambours, et autres instruments de guerre entrelacés ensemble et découpés à jour, qui font comme un second rang de colonnes. Le lambris est composé de trophées d’armes, et de tout ce qui peut désigner et embellir la demeure de ce dieu des batailles.)



Scène III

LA PAIX[2] LA DISCORDE, L’ENVIE, LA FRANCE, LA VICTOIRE.
La Paix[3].

En vain à tes soupirs il est inexorable :
Un dieu plus fort que lui me va rejoindre à toi ;
Et tu devras bientôt ce succès adorable
 À cette reine incomparable[4] 90
Dont les soins et l’exemple ont formé ton grand roi.
Ses tendresses de sœur, ses tendresses de mère,
Peuvent tout sur un fils, peuvent tout sur un frère.
Bénis, France, bénis ce pouvoir fortuné ;
Bénis le choix qu’il fait d’une reine comme elle[5] : 95

  1. L’orthographe de ce mot est colomnes dans toutes les anciennes éditions, y compris celle de 1692.
  2. LA PAIX, prisonnière dans le ciel ; LA DISCORDE, L’ENVIE, aussi dans le ciel ; LA FRANCE ET LA VICTOIRE, en terre. (1661)
  3. La Paix, prisonnière. (1661)
  4. Anne d’Autriche, sœur de Philippe IV, roi d’Espagne, et mère de Louis XIV, morte en 1666.
  5. Marie-Thérèse d’Autriche. Voyez ci-dessus, p. 254, note 1.