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années[1]. Elle se plaint toutefois à cette déesse de ce que ses faveurs l’accablent, par la licence que se donnent les soldats victorieux, qui se croient tout permis ensuite des avantages qu’ils lui font remporter aux dépens ou au péril de leur sang. La Victoire, convaincue de la justice de ses plaintes par les ruines qui sont devant ses yeux, n’ose s’offenser des vœux qu’elle fait pour la paix ; mais elle lui donne à craindre la colère de Mars, dont les ordres l’ont comme attachée à ses côtés depuis tant de temps, et lui montre ce dieu au haut du ciel, où il se fait voir en posture menaçante, un pied en l’air, et l’autre porté sur son étoile.

C’est en cet état qu’il descend à un des côtés du théâtre, qu’il traverse en parlant, et sitôt qu’il a parlé, il remonte au même lieu dont il étoit parti. Ce mouvement extraordinaire, et qui n’a point été vu jusqu’ici sur nos théâtres[2], plaira sans doute aux curieux, qui se souviendront que toutes les machines qu’ils y ont vu faire sortir des dieux du fond du ciel, ne les y ont jamais reportés, mais ont été remontées en haut par un mouvement qu’on peut nommer perpendiculaire, au lieu que celle-ci fait faire un triangle parfait à Mars, en descendant, traversant le théâtre, et remontant au lieu même dont on l’a vu partir.

Avant que de remonter, ce dieu, en colère contre la France, lui fait voir la Paix, qu’elle demande avec tant d’ardeur, prisonnière dans son palais, entre les mains de la Discorde et de l’Envie, qu’il lui a données pour gardes[3]

Après qu’il est disparu, la Paix, bien que prisonnière,

  1. Cette phrase vient après les mots : « par une ville qui n’en est pas mieux traitée ; » voyez ci-après, p. 254.
  2. Voyez ci-dessus, p. 227, note 3.
  3. Voyez p. 258.