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Et l’adresse à le fuir y plonge plus avant.
Mais si les dieux m’ont fait la vie abominable,
Ils m’en font par pitié la sortie honorable,
Puisqu’enfin leur faveur mêlée à leur courroux
Me condamne à mourir pour le salut de tous,
Et qu’en ce même temps qu’il faudrait que ma vie
Des crimes qu’ils m’ont faits traînât l’ignominie,
L’éclat de ces vertus que je ne tiens pas d’eux
Reçoit pour récompense un trépas glorieux.


Dircé.

Ce trépas glorieux comme vous me regarde :
Le juste choix du ciel peut-être me le garde ;
Il fit tout votre crime ; et le malheur du roi
Ne vous rend pas, seigneur, plus coupable que moi.
D’un voyage fatal qui seul causa sa perte
Je fus l’occasion ; elle vous fut offerte :
Votre bras contre trois disputa le chemin ;
Mais ce n’était qu’un bras qu’empruntait le destin,
Puisque votre vertu qui servit sa colère
Ne put voir en Laïus ni de roi ni de père.
Ainsi j’espère encor que demain, par son choix,
Le ciel épargnera le plus grand de nos rois.
L’intérêt des Thébains et de votre famille
Tournera son courroux sur l’orgueil d’une fille
Qui n’a rien que l’état doive considérer,
Et qui contre son roi n’a fait que murmurer.


Œdipe.

Vous voulez que le ciel, pour montrer à la terre
Qu’on peut innocemment mériter le tonnerre,
Me laisse de sa haine étaler en ces lieux
L’exemple le plus noir et le plus odieux !