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Court voir ce que Laïus dira de nos malheurs ;
Et vous ne suivez point le roi chez Tirésie,
Pour savoir ce qu’en juge une ombre si chérie ?


Dircé.

J’ai tant d’autres sujets de me plaindre de lui,
Que je fermais les yeux à ce nouvel ennui.
Il aurait fait trop peu de menacer la fille,
Il faut qu’il soit tyran de toute la famille,
Qu’il porte sa fureur jusqu’aux âmes sans corps,
Et trouble insolemment jusqu’aux cendres des morts.
Mais ces mânes sacrés qu’il arrache au silence
Se vengeront sur lui de cette violence ;
Et les dieux des enfers, justement irrités,
Puniront l’attentat de ses impiétés.


Mégare.

Nous ne savons pas bien comme agit l’autre monde ;
Il n’est point d’œil perçant dans cette nuit profonde ;
Et quand les dieux vengeurs laissent tomber leur bras,
Il tombe assez souvent sur qui n’y pense pas.


Dircé.

Dût leur décret fatal me choisir pour victime,
Si j’ai part au courroux, je n’en veux point au crime :
Je veux m’offrir sans tache à leur bras tout-puissant,
Et n’avoir à verser que du sang innocent.



Scène III

.

Nérine.

Ah ! Madame, il en faut de la même innocence
Pour apaiser du ciel l’implacable vengeance ;
Il faut une victime et pure et d’un tel rang,
Que chacun la voudrait racheter de son sang.