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Je me souviendrai lors de ce que je dois être ;
Et si je ne le suis pour vous faire la loi,
Je le serai du moins pour me choisir un roi.
Après cela, seigneur, je n’ai rien à vous dire :
J’ai fait choix de Thésée, et ce mot doit suffire.


Œdipe.

Et je veux à mon tour, madame, à cœur ouvert,
Vous apprendre en deux mots que ce grand choix vous perd,
Qu’il vous remplit le cœur d’une attente frivole,
Qu’au prince Aemon pour vous j’ai donné ma parole,
Que je perdrai le sceptre, ou saurai la tenir.
Puissent, si je la romps, tous les dieux m’en punir !
Puisse de plus de maux m’accabler leur colère
Qu’Apollon n’en prédit jadis pour votre frère !


Dircé.

N’insultez point au sort d’un enfant malheureux,
Et faites des serments qui soient plus généreux.
On ne sait pas toujours ce qu’un serment hasarde ;
Et vous ne voyez pas ce que le ciel vous garde.


Œdipe.

On se hasarde à tout quand un serment est fait.


Dircé.

Ce n’est pas de vous seul que dépend son effet.


Œdipe.

Je suis roi, je puis tout.


Dircé.

Je puis fort peu de chose ;
Mais enfin de mon cœur moi seule je dispose,
Et jamais sur ce cœur on n’avancera rien
Qu’en me donnant un sceptre, ou me rendant le mien.


Œdipe.

Il est quelques moyens de vous faire dédire.


Dircé.

Il en est de braver le plus injuste empire ;