Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/162

Cette page n’a pas encore été corrigée

Aux miens, comme à l’état, je dois quelque souci.
Je sépare Dircé de la cause publique;
Je vois qu’ainsi que vous elle a sa politique :
Comme vous agissez en monarque prudent,
Elle agit de sa part en cœur indépendant,
En amante à bon titre, en princesse avisée,
Qui mérite ce trône où l’appelle Thésée.|
Je ne puis vous flatter, et croirais vous trahir,
Si je vous promettais qu’elle pût obéir.


Œdipe.

Pourrait-on mieux défendre un esprit si rebelle ?


Jocaste.

Parlons-en comme il faut : nous nous aimons plus qu’elle ;
Et c’est trop nous aimer que voir d’un œil jaloux
Qu’elle nous rend le change, et s’aime plus que nous.
Un peu trop de lumière à nos désirs s’oppose.
Peut-être avec le temps nous pourrions quelque chose ;
Mais n’espérons jamais qu’on change en moins d’un jour,
Quand la raison soutient le parti de l’amour.


Œdipe.

Souscrivons donc, madame, à tout ce qu’elle ordonne :
Couronnons cet amour de ma propre couronne ;
Cédons de bonne grâce, et d’un esprit content
Remettons à Dircé tout ce qu’elle prétend.
À mon ambition Corinthe peut suffire,
Et pour les plus grands cœurs c’est assez d’un empire.
Mais vous souvenez-vous que vous avez deux fils
Que le courroux du ciel a fait naître ennemis,
Et qu’il vous en faut craindre un exemple barbare,
À moins que pour régner leur destin les sépare ?