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Et n’ai pu de son cœur ébranler les désirs.
J’ai poussé le dépit de m’en voir séparée
Jusques à la nommer fille dénaturée.
" le sang royal n’a point ces bas attachements
Qui font les déplaisirs de ces éloignements,
Et les âmes, dit-elle, au trône destinées
Ne doivent aux parents que les jeunes années. "


Œdipe.

Et ces mots ont soudain calmé votre courroux ?


Jocaste.

Pour les justifier elle ne veut que vous:
Votre exemple lui prête une preuve assez claire
Que le trône est plus doux que le sein d’une mère.
Pour régner en ces lieux vous avez tout quitté.


Œdipe.

Mon exemple et sa faute ont peu d’égalité.
C’est loin de ses parents qu’un homme apprend à vivre.
Hercule m’a donné ce grand exemple à suivre,
Et c’est pour l’imiter que par tous nos climats
J’ai cherché comme lui la gloire et les combats.
Mais bien que la pudeur par des ordres contraires
Attache de plus près les filles à leurs mères,
La vôtre aime une audace où vous la soutenez.


Jocaste.

Je la condamnerai, si vous la condamnez ;
Mais à parler sans fard, si j’étais en sa place,
J’en userais comme elle et j’aurais même audace;
Et vous-même, seigneur, après tout, dites-moi,
La condamneriez-vous si vous n’étiez son roi ?


Œdipe.

Si je condamne en roi son amour ou sa haine,
Vous devez comme moi les condamner en reine.


Jocaste.

Je suis reine, seigneur, mais je suis mère aussi: