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Je le vois comme vous ; mais alors qu’il m’assiége,
Vous laisse-t-il, madame, un plus grand privilége ?
Ce palais par la peste est-il plus respecté ?
Et l’air auprès du trône est-il moins infecté ?


Dircé.

Ah ! Seigneur, quand l’amour tient une âme alarmée,
Il l’attache aux périls de la personne aimée
Je vois aux pieds du roi chaque jour des mourants ;
J’y vois tomber du ciel les oiseaux expirants ;
Je me vois exposée à ces vastes misères ;
J’y vois mes sœurs, la reine, et les princes mes frères :
Je sais qu’en ce moment je puis les perdre tous ;
Et mon cœur toutefois ne tremble que pour vous,
Tant de cette frayeur les profondes atteintes
Repoussent fortement toutes les autres craintes !


Thésée.

Souffrez donc que l’amour me fasse même loi,
Que je tremble pour vous quand vous tremblez pour moi,
Et ne m’imposez pas cette indigne faiblesse
De craindre autres périls que ceux de ma princesse :
J’aurais en ma faveur le courage bien bas,
Si je fuyais des maux que vous ne fuyez pas.
Votre exemple est pour moi la seule règle à suivre ;
Éviter vos périls, c’est vouloir vous survivre :
Je n’ai que cette honte à craindre sous les cieux.
Ici je puis mourir, mais mourir à vos yeux ;
Et si malgré la mort de tous côtés errante,
Le destin me réserve à vous y voir mourante,