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ACTE II, SCÈNE VII.

Scène VII.

VALENS, PAULIN.
VALENS.

675L’impérieuse humeur ! vois comme elle me brave,
Comme son fier orgueil m’ose traiter d’esclave.

PAULIN.

Seigneur, j’en suis confus, mais vous le méritez :
Au lieu d’y résister, vous vous y soumettez[1].

VALENS.

Ne t’imagine pas que dans le fond de l’âme
680Je préfère à mon fils les fureurs d’une femme :
L’un m’est plus cher que l’autre, et par ce triste arrêt
Ce n’est que de ce fils que je prends l’intérêt[2].
Théodore est chrétienne, et ce honteux supplice
Vient moins de ma rigueur que de mon artifice :
685Cette haute infamie où je veux la plonger[3]
Est moins pour la punir que pour la voir changer.
Je connois les chrétiens : la mort la plus cruelle
Affermit leur constance, et redouble leur zèle[4] ;
Et sans s’épouvanter de tous nos châtiments,
690Ils trouvent des douceurs au milieu des tourments ;
Mais la pudeur peut tout sur l’esprit d’une fille
Dont la vertu répond à l’illustre famille ;
Et j’attends aujourd’hui d’un si puissant effort
Ce que n’obtiendroient pas les frayeurs de la mort.
695Après ce grand effet, j’oserai tout pour elle,
En dépit de Flavie, en dépit de Marcelle,
Et je n’ai rien à craindre auprès de l’Empereur,

  1. L’édition de 1646 donne seule la forme soubmettez.
  2. Var. C’est de lui seulement que je prends l’intérêt. (1646-56)
  3. Var. Cette haute infamie où je la veux plonger. (1646-56)
  4. Var. Endurcit leur constance, et redouble leur zèle. (1646-56)