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ACTE II, SCÈNE IV.

545Mais pour vous dire tout, la sainteté des lieux,
Le respect des autels, la présence des Dieux,
Le rendant et plus saint et plus inviolable,
Me le pourroient aussi rendre bien plus croyable.

THÉODORE.

Le Dieu que j’ai juré connoît tout, entend tout :
550Il remplit l’univers de l’un à l’autre bout ;
Sa graudeur est sans borne ainsi que sans exemple ;
Il n’est pas moins ici qu’au milieu de son temple,
Et ne m’entend pas mieux dans son temple qu’ici.

MARCELLE.

S’il vous entend partout, je vous entends aussi
555On ne m’éblouit point d’une mauvaise ruse[1] ;
Suivez-moi dans le temple, et tôt, et sans excuse.

THÉODORE.

Votre cœur soupçonneux ne m’y croiroit non plus,
Et je vous y ferois des serments superflus.

MARCELLE.

Vous désobéissez !

THÉODORE.

Vous désobéissez !Je crois vous satisfaire.

MARCELLE.

Suivez, suivez mes pas.

THÉODORE.

560Suivez, suivez mes pas.Ce seroit vous déplaire ;
Vos desseins d’autant plus en seroient reculés :
Ma désobéissance est ce que vous voulez.

MARCELLE.

Il faut de deux raisons que l’une vous retienne :
Ou vous aimez Placide, ou vous êtes chrétienne.

THÉODORE.

565Oui, je la[2] suis, Madame, et le tiens à plus d’heur

  1. Var. On ne m’éblouit pas d’une mauvaise ruse. (1646-63)
  2. Voltaire a remplacé la par le.