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Infula, et Aonii laurus opaca jugi[1],
Heroum ad laudes, dignosque Marone triumphos
Parce, precor, tenuem sollicitare chelyn.
Non ingrata canit, sed et impar fortibus ausis, 5
Quæ canat, exiguis viribus apta legit.
Ad scenam teneros deducere gaudet amores,
Et vetus insuetis drama novare jocis.
Regnat in undanti non tristis musa theatro,
Atque hilarem populum tædia nosse vetat. 10
Hanc doctique rudesque, hanc mollis et aulicus[2], et jam
Exeso mitis Zoïlus ungue stupet.
Nil tamen hic fortes opus alte intendere nervos,
Nostraque nil duri scena laboris eget.
Vulgare eloquium, sed quo improvisus amator 15


    gueillit notre mitre épiscopale et l’épais laurier du mont d’Aonie, épargne, je t’en prie, mon faible luth, et ne le sollicite pas de célébrer les louanges des héros et des triomphes dignes d’un Virgile. Ses chants ne sont pas sans charme ; mais ne pouvant suffire aux entreprises audacieuses, il choisit ce qui convient à ses modestes forces. Il se plaît à introduire sur la scène les tendres amours, et à renouveler l’ancienne poésie dramatique par des jeux inaccoutumés. Ma muse enjouée règne au théâtre où ondoie la foule ; égayant le peuple elle l’empêche de connaître l’ennui. Les doctes et les ignorants, et le courtisan délicat, tous, jusqu’au Zoïle adouci, qui se ronge les ongles en silence, l’écoutent avec étonnement. Mais ici il n’est pas besoin de tendre fortement les cordes, et notre scène n’exige pas un dur labeur. Le style est familier, mais tel qu’il suffit à l’amant improvisé pour

  1. François de Harlay était fort instruit. On raconte qu’il prêcha un jour en grec à Paris chez les Franciscains. Il avait composé divers ouvrages, parmi lesquels on compte quelques poëmes. Voyez le Gallia christiana, tome XI, colonnes 108 et 109.
  2. Corneille a dit de même dans l’Excuse à Ariste (vers 47) :
    Je satisfais ensemble et peuple et courtisans.