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Soleil, père des temps comme de la lumière,
Qui vois tout naître et tout finir,
Depuis que tu fais tout paroître 5
As-tu rien vu d’égal au château de Bissestre ?

Toutes ces pompeuses machines
Qu’autrefois on flattoit de titres orgueilleux,
Pourroient-elles garder auprès de ces ruines
Le nom d’ouvrages merveilleux ? 10
Et toi, qui les faisois paroître,
Qu’y voyois-tu d’égal au château de Bissestre ?

Ces tours qui semblent désolées,
Et ces vieux monuments qu’on laisse à l’abandon,
C’est ce qui fait périr le nom des Mausolées[1] 15
Et des palais d’Apollidon[2],
Puisque tu les fis tous paroître
Sans y voir rien d’égal au château de Bissestre.

Cache-toi donc plus tard sous l’onde,
Sur ce nouveau miracle arrête ton flambeau ; 20
Et sans aller sitôt apprendre à l’autre monde
Ce que le nôtre a de plus beau,
Sois longtemps à faire paroître
Que rien n’est comparable au château de Bissestre.


  1. Mausolée, magnifique tombeau élevé par Artémise en l’honneur de son époux Mausole, roi de Carie.
  2. Château magique construit par l’enchanteur Apollidon. Il est décrit au Ier chapitre du IIe livre de l’Amadis de Gaule.