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engagé, en les accordant aux sollicitations de Donneau de Visé, à exiger que du moins ils parussent sans signature. Du reste, il eût été difficile d’en désigner plus clairement l’auteur qu’en le comparant, comme fait le Mercure à la suite des vers, au Martian de Pulchérie, vieillard amoureux, dans lequel, suivant Fontenelle, Corneille s’est dépeint lui-même[1] ? Aussi est-ce avec quelque confiance que nous présentons au lecteur, comme appartenant à notre poëte, ces vers inaperçus et oubliés.




Extrait du Mercure de mai 1677 (p. 96 et suivantes).

« Quittons un moment cette matière, et pour vous délasser de la guerre, passons au chapitre de l’amour. Voici des vers qu’il a fait faire : ils ont un tour noble qui marque les privilèges de leur source, et vous n’en avez jamais trouvé de bons, si vous n’êtes contente de ceux-ci :


Je suis vieux, belle Iris, c’est un mal incurable ;
De jour en jour il croît, d’heure en heure il accable :
La mort seule en guérit ; mais si de jour en jour
Il me rend plus mal propre à grossir votre cour,
Je tire enfin ce fruit de ma décrépitude, 5
Que je vous vois sans trouble et sans inquiétude,
Sans battement de cœur, et que ma liberté
Près de tous vos attraits est toute en sûreté.
Tel est l’heureux secours que reçoit des années
Une âme dont vos lois régloient les destinées. 10
Non que je sois encor bien désaccoutumé
Des douceurs que prodigue un cœur vraiment charmé ;
À ce tribut flatteur la bienséance oblige :
Le mérite l’impose, et la beauté l’exige ;
Nul âge n’en dispense, et fût-on aux abois, 15
Il faut en fuir la vue, ou lui payer ses droits ;
Mais ne me rangez point, alors que j’en soupire,
Parmi les soupirants dont il vous plaît de rire.
Écoutez mes soupirs sans les compter à rien.
Je suis de ces mourants qui se portent fort bien[2] : 20

  1. Voyez tome VII, p. 374.
  2. Il y a là comme un souvenir agréablement détourné de ce vers si connu du Menteur (acte IV, scène ii, vers 1164) :
    Les gens que vous tuez se portent assez bien.