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Pour triomphe dernier triompha de lui-même,
Il la fit, mais en maître : il en dicta les lois ; 35
Il rendit, il garda des places à son choix :
Toujours grand, toujours juste, et parmi les alarmes
Que répandoit partout le bonheur de ses armes,
Loin de se prévaloir de leurs brillants succès,
De cette bonté seule il en crut tout l’excès, 40
Et l’éclat surprenant d’un vainqueur si modeste
De mon feu presque éteint consuma l’heureux reste.
Ne t’offense donc point si je t’offre aujourd’hui
Un génie épuisé, mais épuisé pour lui :
Tu dois y prendre part ; son trône, sa couronne, 45
Cet amas de lauriers qui partout l’environne,
Tant de peuples réduits à rentrer sous sa loi,
Sont autant de dépôts qu’il conserve pour toi ;
Et mes vers, à ses pas enchaînant la victoire,
Préparoient pour ta tête un rayon de sa gloire. 50
Quelle gloire pour toi d’être choisi des cieux
Pour digne successeur de tous nos demi-dieux !
Quelle faveur du ciel, de l’être à double titre
D’un roi que tant d’États ont pris pour seul arbitre,
Et d’avoir des vertus prêtes à soutenir 55
Celles qui le font craindre et qui le font bénir !
C’est de tes jeunes ans ce que ta France espère
Quand elle admire en toi l’image d’un tel père.
N’aspire pas pourtant à ses travaux guerriers :
Où trouverois-tu[1], Prince, à cueillir des lauriers, 60
Des peuples à dompter, et des murs à détruire ?
Vois-tu des ennemis en état de te nuire ?
Son bras ou sa bonté[2] les a tous désarmés :

  1. Granet, dans les Œuvres diverses, a mis : Où trouveras-tu.
  2. Ainsi dans le Mercure. On lit à tort dans l’édition in-4o : valeur, au lieu de bonté, et cette leçon fautive a été adoptée par Granet et tous les éditeurs suivants.