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Fait prendre ces présents[1], qu’un léger intervalle 45
Renvoie accompagnés de sa bonté royale.
« C’est assez, poursuit-il, d’avoir vu votre amour ;
La tendresse du mien veut agir à son tour.
Pour rendre cette guerre à ses auteurs funeste,
Sujets dignes de moi, j’ai des trésors de reste ; 50
J’en ai de plus sûrs même et de beaucoup plus grands
Que ceux que vous m’offrez, que ceux que je vous rends :
J’ai le fond de vos cœurs, et c’est de quoi suffire
Aux plus rares exploits où mon courage aspire :
C’est aux ordres d’un roi ce qui donne le poids ; 55
C’est là qu’est le trésor, qu’est la force des rois.
Reprenez ces présents dont l’offre m’est si chère :
Si je les ai reçus, c’est en dépositaire,
Et je saurai sans eux dissiper les complots

    Ille quidem, secum belli dum fata volutat,
    Urbis amore suæ victus, pectusque paternum
    In populum accipiens, Colberto credidit ingens
    Jamjam pensandum regali munere munus.
    Depositum vocat : « Hac dextra, his victricibus armis
    Bellandum est, inquit ; sat erit mihi Martia virtus
    Qua conjuratas triplici sub fœdere gentes
    Protinus abrumpam, meque in mea jura reponam.
    Quas populus sibi quærit opes, quas anxia cura,
    Et quas mille artes, terraque marique petitas,
    Accumulant, vester, tanti in dispendia belli,

  1. Il est dit dans les vers latins imités par Corneille que le Roi confia ces présents à Colbert ; et une note de l’édition de Santeul, de 1729, fait remarquer qu’il s’agit de Charles Colbert, marquis de Croissy, qui était frère du célèbre Colbert, et qui fut ministre et secrétaire d’État en 1679. Le nom de Colbert se trouve plus loin, et cette fois dans Corneille (vers 78) aussi bien que dans Santeul ; là les qualifications qui l’accompagnent ne peuvent guère convenir, ce nous semble, qu’au grand Colbert (Jean-Baptiste), contrôleur général des finances.