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La peine a ses plaisirs, la mort a ses délices[1] ;
Et de tant de travaux qu’il aime à partager, 235
On n’en voit que la gloire et non pas le danger.
Il n’est pas de ces rois qui loin du bruit des armes,
Sous des lambris dorés donnent ordre aux alarmes,
Et traçant en repos d’ambitieux projets,
Prodiguent, à couvert, le sang de leurs sujets. 240
Il veut de sa main propre enfler sa renommée,
Voir de ses propres yeux l’état de son armée,
Se fait à tout son camp reconnoître à la voix,
Visite la tranchée, y fait suivre ses lois.
S’il faut des assiégés repousser les sorties, 245
S’il faut livrer assaut aux places investies,
Il montre à voir la mort, à la braver de près,
À mépriser partout la grêle des mousquets,
Et lui-même essuyant leur plus noire tempête,

    Impetus, una omnis simili succenditur igne
    Miles, et in medias tanto mit auspice mortes.
    Nempe alii, castris procul armorumque tumultu,
    Secessu in placido atque aulæ penetralibus aureis
    Bella gerant reges, lentique ingloria ducant
    Otia, pugnarum docti describere leges,
    Et sedare suas alieno sanguine rixas.
    Juverit hoc alios. Tibi famam extendere factis,
    Exemplo resides urgere, offerre pruinis
    Ardorique caput, rigido sudare sub ære,
    Insomnes vigilare inter tentoria noctes,
    Aut vallum lustrare in equo ; tum, sicubi portis
    Ingruit, aut subitis petitur conatibus hostis,
    Crebra licet cædes, licet undique plurima telis
    Affluat, et volucri mors grandine verberet aures,
    Impavidum volitare, animos accendere dictis,

  1. Voltaire a dit au IVe chant de la Henriade, vers 128 :
    La peine a ses plaisirs, le péril à ses charmes.