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Semer les doux périls qui naissent de vos yeux[1].
Vous trouverez partout les âmes toutes prêtes
À recevoir vos lois et grossir vos conquêtes[2],
Et les cœurs à l’envi se jetant dans vos fers 5
Ne feront point de vœux qui ne vous soient offerts[3],
Mais ne pensez pas tant aux glorieuses peines[4]
De ces nouveaux captifs qui vont prendre vos chaînes,
Que vous teniez vos soins tout à fait dispensés
De faire un peu de grâce à ceux que vous laissez. 10
Apprenez à leur noble et chère servitude
L’art de vivre sans vous et sans inquiétude ;
Et si sans faire un crime on peut vous en prier,
Marquise, apprenez-moi l’art de vous oublier.
En vain de tout mon cœur la triste prévoyance 15
A voulu faire essai des maux de votre absence[5] :
Quand j’ai cru le soustraire à des yeux si charmants,
Je l’ai livré moi-même à de nouveaux tourments.
Il a fait quelques jours le mutin et le brave,
Mais il revient à vous, et revient plus esclave, 20
Et reporte à vos pieds le tyrannique effet
De ce tourment nouveau que lui-même il s’est fait[6].

  1. Var. Semer les doux plaisirs qui naissent de vos yeux.
    Vous trouverez partout des âmes toutes prêtes.
    (Manuscrits des Godefroy.)
  2. Var. À recevoir vos lois, à grossir vos conquêtes.
    (Manuscrits de Conrart.)
  3. Var. Les cœurs iront en foule au-devant de vos fers ;
    Et s’ils font quelques vœux, ils vous seront offerts.
    (Manuscrits de Conrart, des Godefroy, et Petit Recueil.)
  4. Var. Mais ne songez pas tant aux glorieuses peines.
    (Manuscrits des Godefroy.)
  5. Var. S’est fait un avant-goût des maux de votre absence.
    (Manuscrits de Conrart, des Godefroy, et Petit Recueil.)
  6. Var. De ce tourment nouveau que lui-même s’est fait.
    (Manuscrits des Godefroy.)
    Var. De ce nouveau tourment que lui-même il s’est fait.
    (Manuscrits de Conrart.)