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DISCOURS

lève, qu’il est midi au troisième acte, et qu’il se couche à la fin du dernier ? Cest une affectation qui ne fait qu’importuner ; il suffit d’établir la possibilité de la chose dans le temps où on la renferme, et qu’on le puisse trouver aisément, si on[1] y veut prendre garde, sans y appliquer l’esprit malgré soi[2]. Dans les actions même qui n’ont point plus de durée que la représentation, cela seroit de mauvaise grâce si l’on marquoit d’acte en acte qu’il s’est passé une demie heure[3] de l’un à l’autre.

Je répète ce que j’ai dit ailleurs[4], que quand nous prenons un temps plus long, comme de dix heures, je voudrois que les huit qu’il faut perdre se consumassent dans les intervalles des actes, et que chacun d’eux n’eût en son particulier que ce que la représentation en consume, principalement lorsqu’il y a liaison de scènes perpétuelle ; car cette liaison ne souffre point de vide entre deux scènes. J’estime toutefois que le cinquième, par un privilège particulier, a quelque droit de presser un peu le temps, en sorte que la part de l’action qu’il représente en tienne davantage qu’il n’en faut pour sa représentation. La raison en est que le spectateur est alors dans l’impatience de voir la fin, et que quand elle dépend d’acteurs qui sont sortis du théâtre, tout l’entretien qu’on donne à ceux qui y demeurent en attendant de

  1. Var. (édit. de 1668) : si l’on.
  2. Var. (édit. de 1660–1664) : Qui ne fait que l’importuner… et qu’il le puisse trouver aisément, s’il y veut prendre garde, sans y appliquer son esprit malgré lui. — Le changement fait en 1682 était une correction nécessaire ; dans les premières éditions de ce discours. Corneille avait construit la phrase comme si, au commencement du paragraphe, il avait employé le mot auditeur au singulier, et non au pluriel.
  3. Telle est l’orthographe de Corneille. Voyez le Lexique.
  4. Dans l’Examen de Mélite (p. 141), qui précède le présent Discours dans les éditions données par Corneille. Voyez la note 1 de la p. 13.