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ne signifier rien ; mais à les bien entendre, ils excluent les actions momentanées qui n’ont point ces trois parties. Telle est peut-être la mort de la sœur d’Horace, qui se fait tout d’un coup sans aucune préparation dans les trois actes qui la précèdent ; et je m’assure que si Cinna attendait au cinquième à conspirer contre Auguste, et qu’il consumât les quatre autres en protestations d’amour à Emilie, ou en jalousies contre Maxime, cette conspiration surprenante ferait bien des révoltes dans les esprits, à qui ces quatre premiers auraient fait attendre toute autre chose.

Il faut donc qu’une action, pour être d’une juste grandeur, ait un commencement, un milieu et une fin. Cinna conspire contre Auguste et rend compte de sa conspiration à Emilie, voilà le commencement ; Maxime en fait avertir Auguste, voilà le milieu ; Auguste lui pardonne, voilà la fin. Ainsi dans les comédies de ce premier volume, j’ai presque toujours établi deux amants en bonne intelligence ; je les ai brouillés ensemble par quelque fourbe, et les ai réunis par l’éclaircissement de cette même fourbe qui les séparait.

A ce que je viens de dire de la juste grandeur de l’action j’ajoute un mot touchant celle de sa représentation, que nous bornons d’ordinaire à un peu moins de deux heures. Quelques-uns réduisent le nombre des vers qu’on y récite à quinze cents, et veulent que les pièces de théâtre ne puissent aller jusqu’à dix-huit, sans laisser un chagrin capable de faire oublier les plus belles choses. J’ai été plus heureux que leur règle ne me le permet, en ayant pour l’ordinaire donné deux mille aux comédies, et un peu plus de dix-huit cents aux tragédies, sans avoir sujet de me plaindre que mon auditoire ait montré trop de chagrin pour cette longueur.