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moi dans ma boutique, nous vivrons tranquillement, grassement, contents du jour et sûrs du lendemain.

ROBINSON.

Ah ! ah !… tu me fais bien rire avec tes instincts de petit marchand et tes goûts de bonheur domestique. Es-tu assez simple dans ce rôle-là !

TOBY.

Permets, permets…

ROBINSON.

Tu n’as donc pas vu que je me moquais de toi tout à l’heure ?

TOBY.

Ah ! mais, entendons-nous.

ROBINSON.

Tu n’as donc pas compris que je tenais, avant tout, à ne pas heurter les idées de mon père.

TOBY.

Tu parlais sérieusement… et j’ai cru…

ROBINSON.

Tu as cru qu’après avoir formé avec toi tant de plans de voyages, tant de projets magnifiques, je me résignerais tout à coup à passer ma vie dans un petit port de mer, avec un bonnet d’avocat sur la tête et mettant toute ma gloire à débiter des paroles, comme toi à débiter du sucre, de la canelle et des jambons fumés !… Imbécile !

TOBY.

Imbécile… imbécile… tu as des expressions…

ROBINSON.

Monsieur s’imagine que je me contenterai de voir partir ceux qui vont chercher la fortune et de saluer le retour de ceux qui l’ont trouvée, sans me dire : Toi aussi, tu partiras et tu reviendras un jour, riche comme un roi des Indes !

TOBY.

Eh bien, à la bonne heure ! Tu m’as compris ! Un instant j’avais cru… mais non !… car enfin, des esprits entreprenants, comme les nôtres, ne peuvent pas s’enterrer…

ROBINSON.

Écoute ! tu te rappelles notre voisin Jim Coks, parti il y a trois ans pour le Brésil ?