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Je n’aurais pas peur de ce fantôme, le ne craindrais pas ses reproches. Car je sais que je ne l’ai pas trahi. Qui donc, d’ailleurs, craint les reproches des morts ? N’est-ce point singulier que, même lorsqu’ils se croient spiritualistes, ceux qui écrivent la vie d’un grand homme ne tremblent jamais que son esprit ne revienne, ne plane sur eux et, relevant quelque traîtrise sous leur plume, ne murmure : « Ce n’est pas bien » ?

J’ai assisté, plein d’un tendre respect, aux rêveries d’un autre illustre vieillard qui, lui aussi, était assis sous les arbres de sa terrasse, le regard perdu, À quoi rêvent-ils ? À leur passé si plein, au jugement de l’avenir, à la mort proche…

La mort… Diderot l’attendait sans faiblesse. C’est encore à son amie qu’il en fait l’aveu. Elle lui demandait dans une lettre pourquoi « plus la vie est remplie, moins on y est attaché ? » Et il répondait : « C’est qu’on désire la fin de la vie comme, après avoir bien travaillé, on désire la fin de la journée ; c’est qu’après avoir fouillé la terre tant de fois, on a moins de répugnance à y descendre ; c’est que la vie n’est, pour certaines personnes, qu’un