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Combien de fois je vous crierais : « Mon amie, prenez garde, vous vous fatiguez trop ; prenez par ce côté-ci, il est plus beau ; le soleil vous fera mal ; vous veillez trop tard, vous lisez trop longtemps ; ne mangez pas de cela ; qu’avez-vous ? Vous me paraissez triste »… Il est bien incertain si ma glace ne me causerait pas plus de peine que de plaisir. S’il m’arrivait d’y voir quelqu’un vous baiser la main ; si je vous voyais sourire ; si je trouvais que vous m’oubliez trop et trop longtemps ! Non, non, point de cette glace magique, je n’en veux point… »

Puis, le ton s’élève. Diderot évoque toute l’Histoire, les philosophes de tous les temps, afin d’attester mieux la force de sa passion : « J’ai vu toute la sagesse des nations, et j’ai pensé qu’elle ne valait pas la douce folie que m’inspirait mon amie. J’ai entendu les discours sublimes de leurs philosophes… Ils cherchaient à me décrier la volupté et son ivresse, parce qu’elle est passagère et trompeuse, et je brûlais de la trouver entre les bras de mon amie, parce qu’elle s’y renouvelle quand il lui plaît, et que son cœur est droit, et que ses caresses sont vraies. Ils me disaient : tu vieilliras. Et je répondais en moi-même :