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temporains. C’est dans l’ère de notre plus brillante littérature que l’on peut les choisir. Il y avait alors à la cour de Louis XIV une étonnante légèreté dans les jugements que l’on portait touchant les protestants. Mme de Sévigné, qui ne prend guère au sérieux que son amour pour sa fille et le cordon bleu de M. de Grignan, s’exprime avec une grâce un peu dure sur la position des réformés dauphinois, que la cruauté des édits allait troubler dans leurs montagnes : « M. de Grignan a fait un voyage d’une fatigue épouvantable dans les montagnes du Dauphiné pour séparer et punir de misérables huguenots, qui sortent de leurs trous, et qui disparaissent comme des esprits, dès qu’ils voient qu’on les cherche, et qu’on veut les exterminer. Ces sortes d’ennemis volants ou invisibles donnent des peines infinies, et qui, au pied de la lettre, ne sauraient finir ; car ils disparaissent en un moment, et dès qu’on a le dos tourné, ils ressortent de leurs tanières. » (Lett. au comte de Bussy ; 16 mars, 1689.) Voilà pour les résultats de la révocation, et pour les guerres intestines qui en furent la suite. Veut-on maintenant se faire une idée de la manière dont la révocation même fut appréciée par la haute société du temps, et par les belles dames dont la sensibilité s’épanchait sur les pastorales de l’hôtel de Rambouillet ; voici leur jugement :

« (Le P. Bourdaloue) s’en va, par ordre du roi, prêcher à Montpellier et dans ces provinces où tant de gens se sont convertis sans savoir pourquoi. Le P. Bourdaloue le leur apprendra. Les dragons ont été de très-bons missionnaires, jusque-là. Les prédicateurs qu’on envoie présentement rendront l’ouvrage parfait. Vous aurez vu, sans doute, l’édit par lequel le roi révoque celui de Nantes. Rien n’est si