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en effet assez difficile de le penser. Et cette impopularité s’explique assez bien par le genre de gouvernement qui alors était celui de la France. Sous la monarchie absolue de Louis XIV, la nation n’avait aucune espèce de moyen, ni par ses assemblées, ni par ses écrits, ni par des remontrances quelconques, soit de faire prévaloir ses vœux, soit même de les émettre. L’institution des intendants-proconsuls, et la force d’une armée immense et permanente réussit évidemment alors à étouffer toutes les libertés provinciales, et à rendre toute résistance impossible. On a dit de Louis XIV qu’il était surtout un roi administrateur. La révocation de l’édit de Nantes fut un exercice de ce génie administratif. L’air servile de Versailles, la fierté du conquérant et l’humilité profonde de tous les gens de robe, avaient bien persuadé au monarque enivré qu’il lui serait possible de rendre uniforme la doctrine de ses sujets. Il n’avait aucune idée des résistances individuelles que pouvait faire naître la foi outragée. Il ne comprit jamais la portée d’une œuvre immense, qui, vue à travers ses idées étroites et despotiques, se déforma et acquit la futile propor-

    roi, emportent les bénéfices et les pensions, ni de ces compositeurs de livres, à droite et à gauche, qui savent tout hormis ce qui serait bon qu’ils sussent, qui est, qu’ils sont de fort petites gens ; je parle de ces esprits sages, solides et pénétrants, qui voyent de loin les conséquences des choses et qui savent juger. Comment n’ont-ils pas vu dans cette affaire, ce qui n’est que trop visible, que l’état se trouve partout percé d’outre en outre par le même coup qui traverse les protestants, et qu’une révocation de l’édit faite avec tant de hauteur ne laisse plus rien d’immobile ou de sacré. — Il s’en fallait bien que l’aversion de notre religion fût générale dans l’esprit des catholiques, puisqu’il est certain qu’à la réserve de la faction des dévots, et de ce qu’on appelle les propagateurs de la foi, le peuple ni les grands n’avaient nulle animosité contre nous et qu’ils ont plaint notre infortune. » (Plaintes des prot. de France p. 140-143.) C’était en 1686 que Claude écrivait ces lignes piquantes et presque prophétiques.