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toute la principauté d’Orange, et de mettre encore une seconde ligne de gardes dans le Languedoc, tout le long du Rhosne. Je fais publier partout l’ordonnance que je vous envoie. Vous verrez qu’avec tous ces ordres, Lenquet passera mal son temps avec un nommé Ribes, qui est encore plus riche que lui. J’ai ordre de juger quatre-vingts prisonniers ; il s’en trouve quatre-vingt-seize ; mais j’ai été obligé d’en épargner seize, qui m’ont paru les moins coupables par leur jeunesse, étant au-dessoubs de dix-huit ans ; les lois voulant que ce soit une cause pour modérer la peine et ces seize jeunes garçons ne sont que des paysans. Ainsi j’ai fermé l’oreille à toute recommandation. Vous avez fait votre métier et j’ai fait le mien.

« Mon fils vous assure de ses respects et vous remercie de l’honneur de votre souvenir.

« L’exemple d’Orange rabattra peut-être la fierté de vos gens ; il n’y a que Dieu qui sache ce que deviendra l’affaire de la religion, et je crois que ceux qui y travaillent ont encore des idées bien confuses. Il serait pourtant bien facile d’y donner une forme qui serait sans inconvénient. Je suis avec respect votre très-humble et très-obéissant serviteur.

« Delamoignon de Basville
À Montpellier, 24 septembre 1698.
« Tournés.

« J’ai condamné ce matin soixante-seize malheureux aux galères, dont Ribes et Lanquet sont les premiers. Ils sont inexcusables ; je souhaite que cet exemple soit le dernier. Si les docteurs de Paris savaient la peine que nous donne l’affaire de la religion, ils nous laisseraient faire à notre mode. »


On peut se borner à remarquer, à propos de ce doux post-scriptum de l’intendant Baville, que ce fut à force de donner des exemples de ce genre, que lui, et les administrateurs qui partageaient ses vues, réussirent à faire éclater l’effroyable guerre religieuse des Camisards, avec laquelle il fallut négocier et qui faillit embraser tout le midi du royaume.