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des églises du désert.

désert, après la mort de Louis XIV, on jouait à Paris l’Œdipe de Voltaire (1716), avec ses déclamations contre un sacerdoce ambitieux. L’année qui suivit la cruelle déclaration de 1724, où les églises furent si impitoyablement proscrites par M. le duc de Bourbon, fut aussi celle d’un très-notable événement littéraire ; la publication du poème de la Henriade, où Voltaire entreprit une trop longue réfutation systématique du fanatisme de la Ligue, sans s’être douté que son épopée était de l’histoire pour les provinces du désert, où l’on évoquait les édits de Louis-le-Grand. Les tirades républicaines du Brutus se débitaient en 1730, entre les supplices des ministres Alexandre Roussel et Pierre Durand. Les gracieuses et transparentes allégories des Lettres persanes furent sans cesse polies et retouchées par leur auteur, magistrat dans cette province de Guyenne, où des familles entières furent ajournées et poursuivies ; cependant Montesquieu jugeait la foi dominante avec une complète sévérité (Lett. pers., no 118) ; il connaissait et il appréciait la foi du désert, comme le montre son admirable épître sur la Bible au pasteur Vernet ; il dominait de toute la hauteur de son génie le bigotisme mesquin, comme le prouvent les paroles presque protestantes de son dernier soupir : « Je veux tout sacrifier à la religion, mais rien aux jésuites. » Cependant on ne voit pas que les événements, qui alors désolaient les églises du désert, aient obtenu de ce philosophe instruit et humain un mot de sympathie ou même d’attention. Il ne mena point son censeur Usbeck jusqu’à la tour solitaire de Constance.

Un fait aussi singulier méritait d’être indiqué. Ce fut un résultat de l’esprit général du siècle. Les églises du désert étaient très-peu connues. Elles jetaient un