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« À Toulon, le 30 septembre 1753.

« Vous souhaitez, Monsieur, que la lettre de M. Molinier soit appuyée par M. Mercier et par moi, et vous prenez occasion de là de nous donner des louanges que je suis bien loin en mon particulier de m’attribuer. J’ai plutôt lieu de croire que ma captivité est un châtiment que mes péchés m’ont attiré, plutôt qu’une épreuve de ma fidélité, puisque le bon Dieu m’afflige coup sur coup par la perte de ma famille. J’ai perdu deux fils que Dieu m’avait donnés, l’un à Marseille et l’autre ici. Et je viens d’apprendre la mort de ma chère épouse.

« Nous voyons, par votre lettre, les soins charitables que vous vous donnez pour les pauvres protestants captifs. Il serait à souhaiter que Dieu, leur ayant suscité un Tite, tous ceux qui font profession de la même religion fussent des Macédoniens[1]. On se servit précédemment du terme de nécessité urgente pour n’avoir pas de termes plus expressifs pour en montrer la nature. Il est impossible de faire un détail exact. Les circonstances dépendent toujours de ceux qui nous commandent. Elles varient suivant le caprice de ces esprits bizarres et toujours féroces. On vous a fait, Monsieur, le détail des habits que l’on nous donne, avec lesquels il faut essuyer la rigueur du froid et celle de l’été. Occupé aux travaux qu’on vous a marqués, n’ayant pour toute nourriture que du pain et de l’eau, on ne peut s’en exempter qu’en payant un sol tous les matins aux argousins ; autre-

  1. Allusion qui prouve combien ces protestants condamnés étaient versés dans les Écritures. Elle concerne la iie épître de saint Paul aux Cor. ch. viii, où il est fait mention à plusieurs reprises des quêtes abondantes, au profit des chrétiens malheureux, qui furent recueillies par le disciple de l’apôtre, Tite, dans son voyage de charité au milieu des églises de la Macédoine.