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incontinent ; et il déclara les enfants illégitimes et incapables de succession. C’est par ce jugement que les magistrats tentèrent de dissoudre l’union des familles Robin et Rondeau. Un arrêt semblable vint17 décemb. bientôt frapper neuf autres unions ; ce dernier arrêt, émanant du parlement de Bordeaux, en 1749, nous semble aujourd’hui avoir tout l’air d’une fable. Les époux furent condamnés aux galères perpétuelles ; les épouses furent condamnées « à être rasées et enfermées dans l’hôpital de la manufacture de Bordeaux, auquel hôpital doivent demeurer appliquées les dots à elles constituées par leurs contrats de mariage. » L’arrêt ordonna en sus que les certificats de mariage délivrés par les ministres, lesquels figurent au dossier, soient « livrés et remis ès mains de l’exécuteur de la haute justice pour être, par ledit exécuteur, brûlés à la place du palais de Lombière, et que les prétendus mariés ou mariées, dénommés auxdits certificats, soient présents à cette exécution. » Il est inutile de dire que, lorsque les idées des cours s’améliorèrent, on ne put opposer avec succès cette déchéance à l’état civil de tant de religionnaires. Tels furent les arrêts, marques d’une tyrannie qui s’élève jusqu’au ridicule, que la cour souveraine de Bordeaux rendait au milieu des lumières du xviiie siècle. Il n’eût tenu qu’au fanatisme de ce parlement de faire vivre une masse considérable de citoyens français dans l’état de simple nature. Cependant les magistrats avaient pu lire et méditer l’Esprit des Lois, qui parut en 1748 ; il est vrai que depuis longtemps alors leur illustre confrère avait quitté sa charge de président à mortier. Montesquieu ne prit donc aucune part à des sentences plus étranges assurément que tous les exemples de son immortel ouvrage.