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prononcée au prisonnier, il fut le seul qui n’en parut point ému, et que l’intendant l’assura que c’était avec douleur qu’il le condamnait, mais que c’étaient les ordres du roi. — « Je le sais, Monsieur, repartit le ministre. »

Le 2 février, le ministre Desubas fut conduit au lieu de supplice, qui était l’esplanade de Montpellier. Il sortit de prison dépouillé de ses vêtements et les jambes nues. Les mémoires nous rapportent l’impression générale des spectateurs en la foule immense, quand ils virent le calme de son visage et la beauté de sa physionomie. La sympathie populaire redoubla, lorsqu’au bas de l’échelle du gibet, il se mit à genoux et pria avec ferveur. On eut soin toutefois de le faire arrêter au second échelon, jusqu’à ce qu’il eût vu brûler, sous ses yeux, les papiers qu’on avait saisis sur sa personne. Les flammes de ce petit bûcher consumèrent plusieurs livres de piété protestants, et un cahier de notes synodales. Prenant alors congé des deux jésuites qu’on lui avait donnés pour l’accompagner au supplice, il repoussa un crucifix qu’ils voulaient lui faire baiser, témoignant par là, jusqu’au dernier moment, sa fidélité à la foi réformée, qui défend les images, et qui ne consent à adorer que l’idée purement spirituelle de Dieu, sans symbole ou idole extérieure. Il remercia les confesseurs qui l’obsédaient, et les pria de vouloir bien le laisser mourir en repos. Personne d’ailleurs ne put entendre ses dernières paroles, parce que, selon la coutume, il marcha sans cesse à côté de plusieurs tambours, dont le bruit étouffait sa voix[1]. Les mémoires, écrits sur les

  1. Cette précaution raffinée, qui avait pour but d’empêcher le pasteur d’exhorter l’assistante, fut presque constamment suivie lors du supplice des ministres. Elle rentrait d’autant mieux dans le plan des persécuteurs, que ces