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ligion des anciens temps. Le dogme chrétien n’y est amoindri par aucune concession à l’esprit du jour. Aussi, toutes les difficultés de la foi, et même de la philosophie, y sont indiquées et traitées sans réticence. On voit que Saurin avait l’habitude de regarder jusqu’au fond des choses. Sans appeler les abîmes, il osait les sonder. Aussi la lecture de ses sermons a quelque chose de singulièrement vif et de fortifiant. C’est un voyage dans un pays de montagnes ; on y respire plus librement même au milieu des colosses sur lesquels on rampe, et qui vous écrasent. Saurin nous fait habiter au milieu des plus hautes questions qui puissent occuper et effrayer l’intelligence[1]. Il faut ajouter encore deux traits ; le premier, que ses discussions sont, en général, très-sensées et très-claires ; on ne s’y heurte pas sans cesse contre l’exposé de ces dogmes superstitieux et de ce mysticisme catholique, où même tout le génie de Bossuet ne réussit pas toujours à captiver un lecteur intelligent ; le second trait, c’est que Saurin ne fut pas l’orateur courtisan d’une cour absolue, et qu’il ne ravala jamais la dignité de sa parole par des flatteries

  1. Nous n’avons pas le dessein de donner une liste des plus beaux discours de Saurin ; seulement, pour prouver notre dire, quant à la hardiesse des sujets qu’il aimait à traiter, nous citerons les questions impliquées dans les sermons suivants : L’uniformité de Dieu dans sa conduite ; sur la conduite de Dieu ; sur l’éternité de Dieu ; sur le ministère des anges ; sur l’impeccabilité du fidèle ; sur la méthode des prédicateurs ; sur les tourments de l’enfer ; sur l’immensité de Dieu ; sur les profondeurs divines ; sur la nature, sur la peine du péché irrémissible ; sur le trafic de la vérité, le plus original peut-être, comme les discours sur l’aumône et sur les compassions divines sont les plus tendres de tous les sermons de Saurin. C’est dans ce dernier surtout que l’on trouve les ressources les plus pathétiques de l’éloquence, et au premier rang, cette exclamation si simple et d’une sensibilité si admirable : Vous m’aimez, et je meurs ! C’est un des plus beaux mouvements qui soient jamais sortis du fond de l’âme d’un homme éloquent.