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existence de communautés illégales et vivantes, souterraines et victorieuses, que nous entreprenons de raconter. Nous tâcherons d’écrire fidèlement, sans amertume, mais sans indifférence. Nous ne serons froids ni devant le mal, ni devant le bien. Surtout nous bannirons de notre étude historique une pensée fausse et souvent invoquée du poète Lucrèce ; nous reportant aux malheurs d’un siècle passé, parvenus à un tranquille rivage, nous ne pourrons nous résoudre, même par le souvenir, à contempler sans émoi ceux qui furent si longtemps battus par la tempête.

D’ailleurs, les caractères généraux de la position de ces églises peuvent être indiqués en peu de mots. Trois époques principales divisent l’histoire des protestants de France. La première fut celle qui commença sous François Ier et Henri II, lorsque ces souverains, sans véritables vues politiques, laissèrent échapper l’occasion si bien avouée plus tard par le cardinal de Sainte-Croix, de faire de la France une nation protestante ; ce qui eût donné au système parlementaire et représentatif parmi nous une antiquité de près de trois siècles et eût amené des conséquences immenses pour la liberté, l’industrie, la puissance et pour toutes les véritables lumières[1].

  1. Les rapports secrets du nonce Prosper de Sainte-Croix, depuis cardinal de Pie IV, envoyé en France, de 1562 à 1565, auprès de Catherine de Médicis, ne laissent aucun doute sur les dispositions de ce pays à demi huguenot (questo regno mezzo-ugonotto). La lettre cinquième écrite au cardinal Borromée paraît considérer un changement général de religion en France comme chose imminente et désespérée. Plus tard, si le nonce se rassure, il paraît sans cesse craindre que la France ne devienne protestante en masse. Une dépèche chiffrée datée de Blois, le 13 mars 1563, contient ce passage : « Il est certain que ce royaume est maintenant dans une situation où je ne vois pas qu’il puisse devenir tout huguenot, si ce n’est avec beaucoup d’artifice et