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des églises du désert.

adoptées et tournées en un sens favorable par les jansénistes, les inflexibles synodes du désert ne cessaient de fulminer contre ces décrets ; toutes les mesures adroites et toutes les mesures violentes venaient se briser contre la patiente autorité de leur foi.

Mais mille causes vinrent s’opposer même à cette partie de l’édit. En déclarant qu’il n’y avait plus que des catholiques dans le royaume, ses auteurs ne virent pas que le décret d’un parchemin royal ne pouvait changer la conscience des gens pieux, et qu’il était par trop dérisoire d’en espérer un résultat que la perspective du bagne toujours ouvert n’avait pu arracher. Il est probable, comme Malesherbes le remarqua longtemps après[1], qu’ils jugèrent des dispositions des provinces les plus lointaines d’après celles de Paris, où la foi se perd par la dissipation, et où la corruption rend indulgent sur l’hypocrisie. Mais il n’en était pas de même dans les contrées ferventes de la Provence et du Languedoc, au milieu des rochers du Vivarais et dans les vallées montagneuses du Dauphiné et des Cévennes, Là, le culte était populaire, et la piété devait être publique. On pouvait cacher sa foi aux intendants et aux juges ; on ne pouvait, on ne voulait la cacher à ses frères d’infortunes et de constance. Obtenir que les protestants se mariassent tous à l’église catholique devant des prêtres, qui savaient très-bien que ce n’était qu’une comédie, était la chose honteuse et impraticable. Vainement espérait-on, qu’au moins ces unions empreintes d’une dévotion simulée engageraient les enfants nés de telles alliances, à fréquenter de bonne foi les sanctuaires où leurs parents n’étaient entrés qu’un seul jour. On se trompait encore. Les enfants grandissant en pré-

  1. Mémoire sur le mariage des protestants. 1785.