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des églises du désert.

Nous serons bien obligés d’écrire d’après des manuscrits et sur des pièces inédites et secrètes ; car toute cette portion de la société française était alors proscrite. Son existence même était déniée par la loi. Elle n’avait ni ministres protégés, ni écoles, ni temples, ni établissements, ni littérature nationale d’aucun genre. La terre d’exil avait reçu ses savants, ses théologiens, ses orateurs, ses philosophes. Tout un code d’édits, qui nous paraissent maintenant sauvages, pesait sur elle. Ses réclamations perpétuelles ne pouvaient se faire jour qu’en dehors de la légalité. Ses nombreux rapports et correspondances avec le gouvernement ne pouvaient être qu’indirects et mystérieux. Cependant elle ne cessa de durer et de fleurir. Un sentiment où la piété donnait toute sa ferveur au bon droit, qui fut tantôt alimenté et tantôt contenu par une foule d’hommes courageux et vraiment évangéliques, sauva ces troupeaux des ravages d’une persécution constante de plus de cent ans de durée. Après de longues années d’une lutte plus ou moins vive et cruelle, les églises réussirent à gagner les années heureuses de Louis XVI, où enfin, l’administration et les parlements, malgré les instances du clergé, reculèrent devant l’application des édits de Louis XIV et finirent tardivement par s’en dépouiller tout à fait.

Jusque-là, c’est-à-dire aussi tard que la fin de l’an 1787, toute qualité de protestant français, ministre ou laïc, et tout exercice de culte, était nul ou était sévèrement prohibé par la législation, au milieu de laquelle, toutefois, ces églises existaient en nombre considérable. C’est cette situation qu’on a autant de peine aujourd’hui à comprendre qu’à définir ; c’est ce code d’antithèses et de contradictions ; c’est cette