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histoire.
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le nouvel édit éclata si subitement, sans préparation aucune, en produisant autant de surprise chez les grands corps de l’État que de stupéfaction chez les victimes qu’il frappait[1].

Nous ne prétendons point que les considérations précédentes donnent la clé complète de la promulgation de l’édit meurtrier de Monsieur le Duc. C’est le sort des cours absolues, où les mesures les plus grandioses dépendent des prétentions de quelque ambition subalterne ou du manège de quelques intrigues obscures ; elles ne sauraient elles-mêmes rendre compte de leurs actes. De là il suit que l’historien, concluant de la gravité des résultats à la gravité des causes, est exposé à chercher de grands motifs aux choses qui n’en eurent que d’imperceptibles, axiome qui s’est confirmé de plus en plus à la cour de Louis XV. Quoi qu’il en soit, ce qui prouve démonstrativement que le duc de Bourbon et que l’évêque de Nantes rêvaient un système complet et bien suivi d’intolérance, c’est que Tressan eut soin de confier la rédaction des instructions secrètes pour les intendants au vieux Baville : l’ancien intendant du Languedoc ranima tous les secrets de sa longue et odieuse expérience, pour porter les derniers coups à une secte qui avait bravé son génie ; « mais, dit Lemontey en son énergique coloris, la mort le surprit, achevant cet ouvrage et savourant cette odeur de proie qui charmait ses derniers jours. » Ainsi, les églises délivrées de Mme de Maintenon et du père Letellier, furent condamnées, neuf ans après la mort de

  1. Lemontey a mis hors de doute que Lavergne de Tressan, l’évêque de Nantes, fut le principal auteur de l’édit de 1724 ; il nous paraît cependant qu’il faut réunir toutes les autres circonstances pour concevoir la promulgation inopinée de cette mesure rigoureuse, sans ombre de motifs apparents, et sans que la minute de la déclaration ait porté le rapport préliminaire, selon l’usage.