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Les églises recevaient encore bien peu d’encouragement et de secours des états protestants de l’Europe, dont la générosité s’épanchait sur l’infortune plus voisine de très-nombreux réfugiés. Elles furent donc réduites à peu près aux ressources de leur vie intérieure, qu’une foi très-vive venait alimenter, et qu’entretenait sans cesse cet esprit d’opposition que la tyrannie excite. Nous verrons aussi que les églises communiquaient avec leurs galériens, et leur faisaient passer des dons, qui étaient suivis des missives les plus touchantes. Chaque lettre, datée du bagne de Toulon ou des tours de Constance, contenait une exhortation des victimes adressée à leurs frères. Tout se trouvait donc disposé pour faire germer les semences que le pasteur Court versait sur ce champ périlleux. Dans la montagne comme dans la plaine, les fidèles organisèrent facilement une véritable police au service de la foi persécutée. Les lettres étaient toujours adressées à de tierces personnes d’une fidélité à toute épreuve ; le nom des destinataires disparaissait sous des anagrammes indéchiffrables. Des émissaires braves et dévoués allaient annoncer de vive voix la tenue des assemblées. Plusieurs des plus intrépides et des mieux aguerris aux courses aventureuses, escortaient le ministre, s’assuraient en avant de sa visite, des pièges calculés des persécuteurs, et le guidaient pendant la nuit dans des chemins couverts. Souvent des travestissements ingénieux, et même grotesques, déguisaient le signalement du pasteur. La course des soldats était soigneusement observée ; des sentinelles, placées sur les hauteurs, étaient chargées de surveiller leur approche, et très-souvent des intelligences, ménagées avec les protestants des villes, avertissaient à l’avance et de la sortie