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chaste dessin de Raphaël et les jeux de Jean d’Udine, furent contraints de fuir le sol natal comme ceux du peintre Jean Cousin et de Goudimel, le naïf et pieux musicien des psaumes. La mémoire d’Ambroise Paré, cet homme illustre qui fit réellement de la chirurgie un art divin, ne put sauver ses descendants de l’exil et de la persécution. Abraham Duquesne, ce grand homme de mer et le digne adversaire de Ruyter, ce guerrier intrépide, le père de notre marine, non-seulement ne put obtenir durant sa vie, de Louis XIV, les dignités qu’il eût honorées, mais après sa mort il ne put obtenir un tombeau. Il vécut assez (1688) pour voir la révocation ruiner sa foi et ses temples, et la vallée alpine d’Aubonne, dans l’état de Berne, seule recueillit sous un simple marbre ce cœur du marin qui avait tant combattu pour la France. Il est vrai qu’aujourd’hui son buste monumental s’élève enfin dans le vieux palais des rois (Louvre, Musée de marine) : tardive réparation de tant d’ingratitude. Toutes les professions libérales avaient leur part de cette oppression insensée ; elle atteignit ensemble l’honnête littérateur Conrart, le courageux voyageur Chardin, et le savant chimiste Lemery. L’architecte de Bott, le médecin Bauhin, le grammairien Boyer, le pharmacien Charas portèrent leurs services chez les étrangers, qui déjà avaient recueilli tout l’éclat philosophique qui jaillissait de la veine intarissable et trop sceptique de Bayle.

Mais nos pertes en écrivains sérieux et érudits, en hommes pieux, qui eussent continué les débats de la science avec Port-Royal, et qui eussent peut-être fini par s’entendre avec ces théologiens armés et consciencieux comme eux-mêmes, furent bien plus sensibles et bien plus irréparables encore. Le docte Pierre Allix