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pour le repas du soir ; et lorsque le père rentre à son tour et présente à sa jeune femme une poignée de fleurs alpestres, qu’il a cueillies, en conduisant son cheval par la bride, le long d’un chemin escarpé, la mère les pose en souriant sur le berceau du petit garçon, endormi déjà, et le futur poète des sommets respire jusque dans ses premiers rêves l’enivrant et salubre parfum des montagnes.

Ce parfum, qu’il aima toute sa vie et qui embaume toute son œuvre, il en eut la nostalgie pendant son séjour entre les hautes murailles du lugubre lycée de Lyon. Celui qui devait écrire sous le titre de l’Education homicide, des pages brûlantes d’indignation contre les dangers de l’internat, souffrit plus que tout autre de ces années de caserne imposées à l’enfance. Anime de l’esprit du devoir et delà discipline, il fit de fortes et excellentes études ; mais il était surtout soutenu par l’espoir des vacances dans ses chères montagnes foréziennes, où celui qui devait être le poète de la nature se retrempait dans la nature.

Il sortit épuisé, presque mourant, de sa prison scolaire, et il fallut le généreux soleil du Midi pour lui rendre la santé et la force de son âge. M. de Laprade fit son droit à Aix-en-Provence, où il vécut quatre ans, et tous les témoins de cette époque de sa vie le représentent comme un étudiant laborieux, mais d’un caractère expansif, parfois même d’une gaieté débordante. N’aimez-vous pas cette joyeuse jeunesse précédant une vie de hautes vertus et une œuvre austère ? Le fleuve coule majestueusement entre deux calmes rives ; mais remontez à la source, vous la découvrirez où il y a des gazouillements et de la verdure. On peut dire que M. De