Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous allons gagner... Ces pauvres soldats que nous venons de voir partir, il y en aura beaucoup de tués, tout de même ! Tenez ! rien que cette idée-là, ça me fait mal... Enfin, l’Empereur était forcé ; ils l’ont tant ennuyé, au plébiscite... »

C’est par de semblables discours, auxquels Gabriel, surmontant enfin sa timidité, finit par répondre, que le jeune homme commença de faire la connaissance de M"" Henry. Cependant une attraction mystérieuse ramenait toujours sa pensée vers la jeune femme silencieuse qui les accompagnait.

Timide, Gabriel marchait un peu en avant des deux compagnes, et ses regards se rencontraient de temps en temps avec ceux d’Eugénie. Mais alors il baissait les yeux malgré lui ; et pas une seule fois il n’osa lui adresser la parole. M"" Henry paraissait s’apercevoir de la préférence de Gabriel, mais elle n’en montrait aucun dépit, et, bien au contraire, lorsqu’au milieu de son bavardage elle le voyait inattentif et seulement occupé de son amie, elle laissait échapper ce joli éclat de rire sans motif qui allait si bien à sa bouche rouge et bien garnie.

Enfin on arriva dans la rue Rochechouart. Justement l’omnibus la descendait, et on le voyait