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chemise débordait entre un gilet remontant sur la poitrine et un pantalon d’étoffe claire, tellement collant qu’on redoutait à chaque instant, dans l’intérêt de la pudeur, de le voir éclater avec bruit.

Marins Cazaban était athée, matérialiste et irréconciliable. Le mot était alors à la mode. Dans le café du boulevard Saint-Michel, où il prenait sur les banquettes de cuir des attitudes vautrées, son terrible accent du Midi faisait retentir des discours incendiaires. Il avait crié : Vive la République! à l’enterrement de Victor Noir, et se croyait filé par la police. Il se promenait souvent la nuit, armé d’un gourdin énorme, par les rues solitaires, dans l’espoir, peu sincère d’ailleurs, d’être abordé par un agent, et les moulinets qu’il décrivait avec sa canne faisaient fuir les passants attardés.

Il habitait une chambre dans un hôtel de la rue de l’Ecole-de-Médecine, dont l’allée étroite et fermée par une demi-porte était surmontée d’un transparent de verre sur lequel on lisait : Hôtel du Progrès et du Tarn-et-Garonne meublé, et où des femmes en camisole et dépeignées se penchaient sur la rampe de l’escalier pour appeler le garçon. Marins fréquentait le bal Bullier et con-