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Elle dit : « Il est mort ! » Puis elle s’attendrit,
Et reprend : « Il avait déjà beaucoup d’esprit.
Quand il était méchant, il m’appelait madame.
Il est mort ! Le bon Dieu l’a pris. Sa petite âme
A des ailes. Il est un ange au paradis.
Sans quoi serait-il mort ? Quelquefois je me dis
Que Dieu prend les enfants pour en faire des anges.
Puis il avait des mots et des regards étranges :
Peut-être qu’il était ange avant d’être né ?
Tes pleurs de chaque jour, ô pauvre condamné,
Valent bien tous les longs Oremus qu’on prodigue.
Puis un signe de croix était une fatigue
Pour son bras. Il savait sourire, et non prier.
Il est mort ! Une nuit, je l’entendis crier.
J’accourus, je penchai la tête vers sa couche,
Et sa dernière haleine a passé sur ma bouche,
Et depuis ce temps-là je n’ai plus de gaîté.
Le lendemain, des gens sombres l’ont emporté.
Pauvre martyr ! Sa bière était toute petite !
J’ai laissé sur son cœur sa médaille bénite.
Cela fera plaisir au bon Dieu, n’est-ce pas ?
Il est au Ciel. Hélas ! est-il heureux là-bas ?
Les anges, on se fait parfois de ces chimères,
Ont-ils soin des enfants aussi bien que les mères ?
Je doute. Pardonnez, Seigneur, à mon regret ! »