Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t1, 1885.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le dernier matelas, comme étant trop mauvais.
Où vas-tu maintenant trouver du pain ?
 
                                                         ― J’y vais, »
Répondis-je ; et prenant à deux mains mon courage,
Je résolus d’aller me remettre à l’ouvrage ;
Et, quoique me doutant qu’on m’y repousserait
Je me rendis d’abord dans le vieux cabaret
Où se tenaient toujours les meneurs de la grève.
— Lorsque j’entrai je crus, sur ma foi, faire un rêve :
On buvait là, tandis que d’autres avaient faim,
On buvait. ― Oh ! ceux-là qui leur payaient ce vin
Et prolongeaient ainsi notre horrible martyre,
Qu’ils entendent encore un vieillard les maudire !
— Dès que vers les buveurs je me fus avancé,
Et qu’ils virent mes yeux rouges, mon front baissé,
Ils comprirent un peu ce que je venais faire ;
Mais, malgré leur air sombre et leur accueil sévère,
Je leur parlai :
 
                               « Je viens pour vous dire ceci :
C’est que j’ai soixante ans passés, ma femme aussi,
Que mes deux petits-fils sont restés à ma charge,
Et que dans la mansarde où nous vivons au large,
— Tous nos meubles étant vendus ― on est sans pain.