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Et les deux bons vieillards étaient tout égayés
Lorsque Angelus, ouvrant de grands yeux effrayés,
Jetait un léger cri, douce et claire syllabe,
Devant la fuite oblique et bizarre d’un crabe,
Ou quand il leur fallait, en se baissant un peu,
L’aider à ramasser le coquillage bleu
Ou le petit galet joli comme une perle
Que jetait à leurs pieds la vague qui déferle.

Et quel triomphe encor quand, s’étant hasardé,
Un beau matin l’enfant courut sans être aidé !
Depuis lors il allait en avant, eux derrière.
Le curé regardait par-dessus son bréviaire,
Et l’autre se frottait les mains, l’air tout joyeux.
Et quand leur fils courait trop vite, les deux vieux
Hâtaient le pas, l’abbé refermait son gros livre,
Et tous les deux riaient de ne pouvoir le suivre.
Toute leur vie était pleine de ce marmot.
Après le premier pas, ce fut le premier mot.
Chaque jour amenait sa nouvelle surprise.
Et comme le bonheur nous égare et nous grise,
Le petit Angelus n’avait pas seulement
Trouvé parmi ses cris ce vague bégaiement,
Effort de la pensée éclose qui s’envole
Et qui ressemble à peine encore à la parole,
Que déjà le curé, plein d’ardeur et rêvant