Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le lendemain était un dimanche, et Grace voulut aller à l’église ; je l’y conduisis dans une voiture très-vieille, mais douce et commode, qui avait appartenu à ma mère. Le petit troupeau de M. Hardinge n’était pas nombreux ; il ne se composait guère que de la famille de Clawbonny et de ceux qui en dépendaient ; il était entouré de tous côtés de sectes ardentes comme d’un rempart qu’il n’était pas facile de renverser. Le bon ministre n’était pas animé de l’esprit de prosélytisme ; toute son ambition se bornait à diriger dans la bonne voie ceux que la Providence avait confiés à ses soins. Néanmoins, dans l’occasion actuelle, la petite église était remplie ; et c’eût été l’église de Saint-Pierre elle-même qu’on n’en pouvait demander davantage. Les prières furent récitées avec ferveur, et le sermon prononcé avec une pieuse onction.

Ma sœur ne parut pas fatiguée ; nous dînâmes au presbytère, qui était à une faible distance de l’église, et les deux offices n’étant pas rapprochés l’un de l’autre d’une manière peu convenable et peu édifiante, ainsi qu’il n’arrive que trop souvent, comme si on entassait coup sur coup le plus possible de prières et de sermons, pour s’en débarrasser plus vite, elle put assister même à celui du soir. M. Hardinge prêchait rarement plus d’une fois le dimanche ; il regardait les prières et les offices de l’église comme le point essentiel, et ne mettait les productions de sa propre sagesse qu’à un rang tout à fait secondaire ; mais un seul sermon lui coûtait autant de soins et de peines que deux à un autre ministre. Il avait aussi le grand mérite de s’adresser aux affections de ses paroissiens, plutôt qu’à leurs intérêts ; il nous rappelait constamment la bonté de Dieu, la beauté de la religion, tandis qu’il était bien rare qu’il fît allusion aux terreurs du jugement dernier. Il peut y avoir des caractères qui aient besoin d’être fortement remués par des allusions semblables ; quant à moi j’aime le prédicateur qui me parle de l’amour du Sauveur pour les hommes afin de me le faire aimer, au lieu de me présenter le choix entre le ciel et l’enfer, pour que l’intérêt prononce. Je ne puis mieux caractériser le genre de prédication de M. Hardinge qu’en disant que je ne crois pas être jamais sorti de son église avec un sentiment de crainte à l’égard du Créateur, tandis que j’ai souvent éprouvé des élans d’amour qu’il m’était presque impossible de contenir.

Rentré à la maison, j’eus encore un court entretien avec Grace ; je lui parlai de moi, de mes projets pour l’avenir, de tout ce qui me semblait de nature à l’intéresser. Si j’avais été avec elle depuis les premiers jours du printemps, lorsque la nature se réveille, et que tout ce qui nous entoure parle de joie, de calme et de bonheur, j’ai