Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le commandement de l’Hyperion. Il m’en coûtait de me séparer de lui : mais il y avait un tel avantage pour mon jeune ami, que je ne pouvais hésiter. L’Hyperion partit aussitôt, et j’ai le regret d’ajouter que jamais je n’en entendis plus parler. L’équinoxe fut terrible à cette époque ; un grand nombre de bâtiments se perdirent, et l’Hyperion partagea sans doute leur sort.

Marbre voulut prendre la place de Talcott, et il devint mon premier lieutenant, comme j’avais été le sien. Après un peu d’attente, je pris du fret pour le compte du gouvernement russe, et j’appareillai pour Odessa. On pensait que la sublime Porte laisserait passer un bâtiment américain ; mais, arrivé aux Dardanelles, je reçus l’ordre de rebrousser chemin, et je dus laisser ma cargaison à Malte, qui devait être alors rendue à ses anciens chevaliers, aux termes du dernier traité. De Malte je me dirigeai sur Livourne, pour y chercher fortune. Tous ces voyages m’avaient pris du temps, et quand j’arrivai à Livourne, on était déjà à la fin de mars. J’écrivais à Grace et à M. Hardinge toutes les fois qu’il se présentait une occasion favorable ; mais, moi, je ne pouvais recevoir de leurs nouvelles, car ils n’auraient su où m’adresser leurs lettres. Ainsi, tandis que mes amis savaient assez exactement ce que je faisais, j’étais dans une ignorance complète sur ce qui les concernait. J’en éprouvais un grand tourment, je ne chercherai pas à le cacher. Pendant que je courais les mers, M. André Drewett avait le champ libre ; mais cette dernière considération me touchait moins, ou plutôt j’en éprouvais une sorte de satisfaction désespérée. Quant à mes affaires d’intérêt, comme j’étais majeur depuis le mois d’octobre, j’envoyai une procuration à M. Hardinge, convaincu qu’il continuerait à s’en occuper avec la sollicitude qu’il n’avait jamais cessé de montrer depuis le jour de la mort de ma pauvre mère.

On ne trouvait pas facilement du fret à Livourne, au moment où l’Aurore y arriva. Après quinze jours d’attente, on m’offrit cependant un chargement pour les États-Unis ; mais l’arrimage se faisait lentement ; je laissai Marbre pour le surveiller, et j’entrepris une petite excursion en Toscane ou dans l’Étrurie, comme on l’appelait alors. Je visitai Pise, Lucques, Florence, et quelques autres villes intermédiaires. À Florence je restai une semaine, m’amusant à regarder toutes les curiosités. La galerie et les églises absorbèrent une grande partie de mon temps, et, un jour que je visitais la cathédrale, qu’on juge de ma surprise en entendant mon nom prononcé par une voix de femme, sur un diapason assez élevé : je me retourne ! J’étais en présence des Brighams ! Ce fut en une minute un déluge de ques-