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toute la nuit comme il était ; mais une heure avant le coucher du soleil, j’eus la satisfaction de lui voir établir sa voile d’artimon et pousser au large. J’avais viré vent arrière deux heures auparavant pour être aux mêmes amures, et je le suivis à sec de voiles. Comme il déploya bientôt son grand hunier avec tous les ris pris, puis son petit hunier, je pus faire aussi un peu de voiles pour ne pas rester en arrière. Nous naviguâmes ainsi toute la nuit ; et, le lendemain matin, les deux navires étaient sous toutes voiles par une brise modérée du nord et une mer assez calme. Le bâtiment anglais nous restait à environ une lieue sous le vent et un peu de l’avant ; dans cette position, il était facile de l’accoster ; aussi, au moment où les équipages allaient descendre pour déjeuner, l’Aurore alla se ranger sous la hanche sous le vent de l’Anglais. Je le hélai suivant l’usage.

— Quel est ce navire ?

Le Dundee, capitaine Robert Ferguson. Quel est ce navire ?

L’Aurore, capitaine Miles Wallingford. D’où venez-vous ?

— De Rio de Janeiro, à destination de Londres. Et vous ?

— De New-York allant à Bordeaux. Nous venons d’avoir un fameux grain.

— Vous pouvez le dire ; j’ai ai rarement vu de pareil. Vous avez un bâtiment qui tient joliment la mer.

— Je n’ai pas lieu d’en être mécontent, et il vient de faire ses preuves. Dites-moi, n’avez-vous pas à bord un Américain nommé Marbre ? Nous pensons avoir vu hier sur votre poupe la figure d’un de nos anciens camarades, et nous vous avons suivis pour avoir de ses nouvelles.

— Oui, oui, répondit le capitaine en nous saluant de la main, il ira vous voir dans un instant ; il est en bas à faire son paquet, et je pense qu’il vous demandera de le prendre à bord pour le conduire aux États-Unis.

Ces mots n’étaient pas plutôt prononcés que Marbre parut sur le pont et agita son chapeau en signe de reconnaissance. C’en était assez ; maintenant que nous nous entendions, les deux bâtiments se donnèrent de l’espace et mirent en panne ; notre canot fut mis à la mer, et Talcott se rendit à bord du Dundee pour y chercher notre vieil ami ; on fit un échange de nouvelles et de journaux, et vingt minutes après j’avais la satisfaction de serrer la main de Marbre.

Dans le premier moment il était trop ému pour parler ; il donnait des poignées de main à tout le monde, et il semblait aussi surpris que charmé de nous trouver réunis en si grand nombre. Je fis porter son coffre dans la chambre, puis je vins m’asseoir à côté de lui sur les