Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

groupe. C’était un avantage immense ; car nous n’avions plus qu’une seule batterie à servir ; nous ne pouvions plus être enfilés ; et notre feu produirait plus d’effet, dirigé sur une masse plus compacte. J’oubliais de dire que le vent était au sud.

La Crisis vira alors vent devant, portant ses basses-voiles et ses perroquets. La Crisis serrait bien le vent, et tout faisait présager qu’elle allait passer au vent de tous les pros, qui s’étaient concentrés autour de leur amiral. Six des plus hardis parurent toutefois décidés a s’y opposer, et venant au plus près, ils s’efforcèrent de croiser notre route sur l’avant, en nous tirant alors leur bordée. La Crisis se porta en avant comme pour les couper ; puis, quand elle se crut assez près, elle laissa porter de trois points environ, et tout à coup elle s’élança vivement au centre même de la flottille. Les ennemis, pris au dépourvu, nous ouvrirent un passage, et nous passâmes à travers toute la ligne, vomissant la mitraille par toutes nos bouches à la fois. Au milieu de la fumée, et dans le plus fort de l’action, trois ou quatre pros firent mine de vouloir s’approcher, comme pour tenter un abordage : je ne changeai rien à mes dispositions, et je ne retirai personne du service des pièces qui continuaient à faire merveille. Je pense que les pirates trouvèrent à la fin qu’il faisait trop chaud ; car ils cessèrent de nous poursuivre, et cinq minutes après nous étions complètement hors de leur rayon.

À en juger par la confusion qui semblait régner parmi les pirates, ils avaient dû être rudement traités. Un canot avait été coulé bas, et cinq ou six embarcations s’étaient réunies à l’entour, pour chercher à sauver l’équipage. Trois autres avaient souffert dans leur mâture, et tous indiquaient par leurs mouvements qu’ils en avaient assez. Dès que j’en fus bien certain, je repris ma route première. Les pros qui nous restaient au vent firent mine de vouloir nous suivre pendant quelque temps. Trouvant la plaisanterie trop prolongée, je virai vivement de bord pour tomber sur ces obstinés ; mais ils ne se le firent pas dire deux fois, et nous tournèrent précipitamment le dos en courant au plus près. Nous changeâmes encore une fois les amures, et nous poursuivîmes notre route sans être inquiétés davantage.

J’appris par la suite d’un capitaine de bâtiment marchand que nos assaillants avaient perdu quarante-sept hommes, et qu’il avait entendu dire que l’officier qui commandait la Crisis était le même qui commandait le John, lors de son affaire dans les mêmes parages. Nous eûmes quelques agrès coupés, quelques mâts endommagés, et deux blessés dont l’un se trouva être Neb. Le matelot blessé mourut avant notre arrivée au Cap, plutôt faute d’un bon chirurgien que des