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À une distance de quinze ou vingt milles, par notre hanche du vent, on voyait les perroquets et les cacatois d’un navire. Comme nous étions alors sur la route des bâtiments baleiniers, qui étaient en grand nombre dans cette partie de la mer Pacifique, je regardai comme probable que c’en était un, mais Marbre se moqua de moi, et me demanda si j’avais jamais entendu dire qu’un baleinier en croisière portât des cacatois. Il affirma que c’était la Crisis, suivant le même chemin que nous, mais qui nous restait alors au vent, parce qu’elle avait mieux tenu le plus près. Nous avions trop compté sur la facilité naturelle du schooner à serrer le vent, et, pendant les quarts de nuit, nous l’avions laissé arriver plus qu’il n’était rigoureusement nécessaire.

La Polly gouverna alors au plus près, et nous arrivâmes assez près du bâtiment que nous chassions pour le voir du pont ; mais le vent faiblissait de plus en plus depuis quelques heures ; tout annonçait l’approche d’un calme plat ; après quoi, dans la région des vents alisés, nous pouvions nous attendre à une bourrasque. Pour profiter du temps que nous avions, Marbre se détermina à virer de bord, au moment où nous relevions le bâtiment chassé par notre bossoir du vent. Une heure après, sur ce nouveau bord, nous aperçûmes quelque chose, c’était un canot de bâtiment baleinier en dérive. Il était de construction américaine, avait un baril d’eau, des avirons et tout l’attirail ordinaire ; et le cablot s’étant détaché, il s’était probablement perdu la nuit pendant qu’il était à la remorque, parce qu’il avait été amarré par trois demi-clefs.

Dès que Marbre eut bien constaté la nature du canot, il conçut son plan d’opération. Les quatre plongeurs qu’il avait pris aux îles Sandwich avaient servi à bord de bâtiments baleiniers, il les fit passer dans le canot, y fit porter du rhum et quelques provisions, me donna ses instructions, puis y monta lui-même, avançant à raison de cinq nœuds par heure, tandis que le schooner suivait à raison de deux nœuds. C’était une heure environ avant le coucher du soleil ; et lorsqu’il disparut de l’horizon, le canot n’était plus qu’un point imperceptible sur l’Océan, à mi-chemin entre nous et le bâtiment, qui pouvait être alors à quinze milles de distance, toujours dans la même direction.

Mes instructions étaient bien simples. C’était de suivre la même route, tant que je ne verrais pas une lumière au canot, et alors de virer vent devant de manière à courir parallèlement au navire. Marbre donna le signal vers neuf heures, de manière à ce que du bâtiment on ne pût voir la lumière ; le schooner répondit aussitôt, mais