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plus de gros ouvrages à leur faire faire, envoya dans un canot les plongeurs qu’il avait pris aux îles Sandwich, pour qu’ils se livrassent pendant quelques heures à leur occupation régulière, pour le compte des armateurs, — si toutefois ils avaient encore aucun droit à nos services. Ils eurent assez de succès, sans être de beaucoup aussi heureux que moi. Ce qui pour le moment était bien plus important, ils découvrirent au fond du bassin, à l’ancrage de la Crisis, un coffre à armes, qui sans doute y avait été jeté par les Français. C’était un des coffres à armes de la Crisis, que les Français avaient dédaigné, préférant se servir des armes auxquelles ils étaient habitués. Ils auraient mieux fait de l’emporter avec eux pour le jeter en pleine mer par cinquante ou cent brasses d’eau.

Ce coffre contenait nos pistolets et nos coutelas, et il y en avait assez pour armer tous nos hommes. Il y avait aussi de la poudre et des balles ; mais la poudre avait été endommagée par l’eau. Quant aux armes, elles furent frottées avec soin, huilées, puis exposées au soleil pendant un jour. Ainsi, ce fut par l’intermédiaire d’hommes que nous avions amenés dans un tout autre but, que nous fûmes mis en possession des moyens d’accomplir l’exploit qui semblait être alors le grand mobile de notre existence.

Nous achevâmes ce jour-là l’arrimage du schooner. Il nous fallut laisser beaucoup d’objets précieux, et notamment le cuivre ; mais Marbre, prudemment, ne voulut prendre que ce qu’il fallait pour lester le bâtiment sans le surcharger. Les voiles étaient enverguées, l’ancre était au bossoir ; et au moment où on s’y attendait le moins, Marbre donna le signal du départ.

Personne ne se permit aucune observation. Nous avions signé de nouveaux engagements pour le schooner, ou plutôt nous avions étendu celui que nous avions contracté pour la Crisis, à ce nouveau bâtiment ou à tout autre que nous pourrions capturer. Le vent était favorable, et nous ne lui eûmes pas plutôt présenté notre grande voile et notre foc, que le léger esquif glissa sur l’eau comme un canard. Dès que Marbre se sentit au large, il vira deux fois comme pour éprouver son embarcation, et il fut ravi de la promptitude avec laquelle elle obéissait à la barre. Trente-six heures après le départ de la Crisis, nous étions déjà à sa poursuite. Nous n’avions pour nous guider que nos conjectures, à l’exception de ce fait principal, qu’elle se dirigeait vers la côte occidentale de l’Amérique du Sud, mais nous n’avions pas manqué d’observer qu’elle avait disparu orientée au plus près, et faisant route au nord-est. Nous la suivîmes, autant que possible, dans ses eaux.