Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à une élévation de vingt à trente pieds au dessus de l’Océan, et elle contenait plusieurs sources d’eau douce. La terre était couverte d’un gazon charmant, et les Français toujours gastronomes, et avec leur activité ordinaire, avaient déjà semé des légumes. Je vis leurs tentes qui s’étendaient sur une seule ligne sous l’ombrage des arbres. La petite Pauline — c’était le nom du schooner, — était sur le chantier en train de recevoir sa première couche de peinture.

Toujours de bon sens, toujours de bonne humeur, M. Le Compte était philosophe dans la meilleure acception du mot. Prenant les choses lui-même sans murmurer, il cherchait à rendre les autres aussi heureux que les circonstances le permettaient. À sa demande, j’invitai M. Marbre à venir sur le pont ; je fis connaître à mon commandant l’état des choses, et nous nous mîmes en devoir d’écouter les propositions de notre vainqueur. M. Le Compte, tous ses officiers et quelques-uns des hommes de son équipage, avaient été prisonniers en Angleterre, et il n’y eut aucune difficulté à commencer les négociations dans notre langue.

— Votre bâtiment, bien entendu, deviendra français, — commença M. Le Compte dans un jargon moitié anglais, moitié français, — avec sa cargaison, son gréement, et tout le reste : bien, c’est convenu. Je ne pousserai pas les choses à la rigueur dans mes conditions. Si vous pouvez nous reprendre votre bâtiment à nous autres Français, rien de mieux ; chacun pour soi et pour sa nation. Voilà le pavillon français, et il flottera là tant que la chose dépendra de nous ; mais, parole d’honneur, la prise ne nous a pas coûté cher et elle se vendra bien. Entendez-vous ? Maintenant, Monsieur, je vous mettrai, vous et tous vos hommes, en possession de l’île, où vous prendrez notre place, pendant que nous prendrons la vôtre. Les armes resteront provisoirement entre nos mains ; mais, en partant, nous vous laisserons fusils, poudre, et tout cela.

Tel fut presque mot à mot le programme de la capitulation proposée par le capitaine Le Compte. Il n’entrait pas dans la nature de Marbre d’acquiescer à un pareil arrangement sans regimber de toutes ses forces ; mais que faire, après tout ? Nous étions entre les mains de M. Le Compte, et quoique disposé à en agir généreusement avec nous, il était facile de voir qu’il entendait nous dicter ses conditions. Je réussis enfin à faire comprendre à Marbre que la résistance était inutile, et il se soumit à peu près d’aussi bonne grâce que l’homme qui n’a pas été magnétisé se soumet à l’amputation ; ceux qui l’ont été trouvent, dit-on, plutôt du plaisir à cet amusement.

Les termes de la capitulation, et ce n’était guère autre chose