Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux couvertures de lit, aux grains de collier, à la poudre, aux poëles et aux vieilles bagues, et qu’ils évaluaient au contraire très-bas les peaux de loutre et d’autres animaux. Je fus encore moins heureux en m’adressant à M. Marbre, qui me répondit brusquement qu’il n’était pas naturaliste, et qu’il ne savait rien de ces créatures, ni des animaux sauvages en général. Mais, quelque dégradés que fussent ces hommes, ils ne nous en parurent pas moins dignes de trafiquer avec nous. Le commerce, comme la misère, nous fait quelquefois faire connaissance avec d’étranges compagnons.

J’ai souvent vu nos Indiens, depuis qu’ils ont été corrompus par leurs rapports avec les blancs et par l’usage du rhum ; mais jamais je n’ai vu des êtres qui m’aient semblé aussi bas sur l’échelle de l’humanité que les sauvages du nord-ouest ; ils me firent l’effet d’être les Hottentots de notre continent ; ils n’étaient cependant pas sans avoir les moyens de se faire respecter. Sous le rapport physique, ils étaient forts et actifs, et il y avait, dans leur physionomie, certains traits de férocité que toute leur cupidité et toute leur adresse ne pouvaient réussir à dissimuler ; mais je ne pus découvrir dans leur costume, dans leurs usages et dans leurs allures, la moindre trace de cet honneur chevaleresque qui jette une teinte si brillante sur les mœurs, d’ailleurs si cruelles, des guerriers de la partie orientale du continent. Du reste, l’usage des armes à feu ne leur étant pas inconnu, ces marchands étaient trop familiarisés avec les bâtiments des hommes civilisés, pour avoir quelque crainte superstitieuse de notre pouvoir.

Le Plongeur et ses compagnons nous vendirent cent trente peaux de loutre dans l’après-midi même ; c’était déjà une compensation suffisante du risque que nous avions couru en entrant dans ce bassin inconnu. On parut de part et d’autre satisfait du résultat du troc, et on nous fit entendre qu’en prolongeant notre séjour, nous pouvions espérer six ou huit fois le même nombre de peaux. Le capitaine était enchanté de l’opération avantageuse que nous venions de faire, et, ayant vu se réaliser toutes les promesses du Plongeur, il se décida à rester dans le même parage un jour ou deux, afin d’y faire de plus amples provisions. Dès que cette résolution fut communiquée aux sauvages, ils témoignèrent beaucoup de joie. Pot d’Étain et Nez Fendu furent envoyés à terre pour en donner avis, tandis que le Plongeur et l’Échalas restèrent à bord, dans les termes de la meilleure intelligence avec tout l’équipage ; mais, les gentlemen de la côte nord-ouest étant bien connus pour leur friponnerie, tout le monde reçut l’ordre d’avoir les yeux ouverts sur nos deux hôtes, le